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Plongez dans les méandres du CARE, le Centre Asiatique de Recherche sur l'Eau

Nous changeons de décor en quittant Phnom Penh pour le Vietnam. Nous avons rendez-vous dans un laboratoire situé à l’institut polytechnique de Ho Chi Minh City (HCMC) : le Centre Asiatique de Recherche sur l’Eau, le CARE. Il va sans dire que, pour nous, le CARE est une étape incontournable ! Avant de vous conter notre visite du centre, expliquons ce qu’est le CARE, d’où il vient et pourquoi il a été créé : nous voilà à faire encore un peu d’histoire, mais cela ne fait pas de mal !

Il existe depuis 1986 un sommet de la francophonie qui se tient tous les deux ans. Les chefs des gouvernements (membres de l’Organisation Internationale de la francophonie) se réunissent pour discuter de politique internationale, de démocratie, de coopération entre pays francophones, mais également culture et éducation. Chaque fois, la réunion se déroule dans un pays différent.

 

Lors de ces évènements, les chefs d’établissements d’études supérieures à portée internationale sont très régulièrement invités à débattre. Lors du sommet de 2010, à Montreux (Suisse), le président de l’École Polytechnique Générale de Lausanne (EPFL), Patrick Aebischer, a proposé un projet : réunir les écoles d’ingénieurs francophones au sein d’un réseau, pour leur permettre de collaborer simplement et rapidement, qu’elles soient situées dans des pays dits ‘’du Nord’’ ou également ‘’du Sud’’. De nombreuses thématiques communes sont directement visées : l’énergie, la nutrition, la sécurité alimentaire et bien entendu l’eau ! L’idée va séduire 12 pays qui vont ainsi créer RESCIF (Le Réseau d’Excellence des Sciences de l’Ingénieur de la Francophonie) par le biais de 15 institutions :

 

  • La France (École Normale Supérieure de Lyon, École Polytechnique et notre école Grenoble INP)

  • La Belgique (École Catholique de Louvain)

  • La Suisse (École Polytechnique Fédérale de Lausanne)

  • Le Canada (École Polytechnique Montréal)

  • Le Maroc (École Mohammadia d’Ingénieur)

  • Le Sénégal (École Supérieure Polytechnique – Université Cheikh Anta Diop de Dakar)

  • Le Cameroun (École Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé)

  • Le Burkina Faso (Institut International d'Ingénierie de l'Eau et de l'Environnement - 2iE)

  • La Côte d’Ivoire (Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny)

  • Haïti (Université d’État d’Haïti, Université Quisqueva)

  • Le Vietnam (Institut Polytechnique de Ho-Chi-Minh-Ville)

  • Le Liban (Université Saint-Joseph de Beyrouth)

Au sujet de l'eau, une institution se démarque pour porter le projet de la création du laboratoire conjoint : Grenoble INP, qui est en très bons termes avec l’Institut polytechnique de HCMC. Les deux écoles vont alors concrétiser le projet à HCMC. Lors de la seconde réunion des directeurs d'institutions membres de RESCIF, le 19 novembre 2013, le CARE est inauguré au sein du campus de l’Institut Polytechnique de HCMC. Phan Thi San Ha, directrice de bureau de recherche et travaillant aux relations internationales de l’Institut de HCMC, va être la tête active lors de la création du CARE. Elle a étudié à Grenoble INP, et parle un français impeccable. Elle prend naturellement la direction exécutive du centre. Elle nous a fait le plaisir de nous accueillir au CARE, ce qui nous a permis d’en apprendre d’avantage sur sa création.

 

Un centre de recherche sur l’eau, c'est bien, diront certains, mais pourquoi au Vietnam plus qu'ailleurs ? Le professeur Huynh Thanh Son (cf article Mékong) nous éclairera largement sur le sujet : le Vietnam est touché par une multitude de problématiques plutôt nouvelles, ou en tout cas, peu populaires encore dans les ‘’pays du Nord’’. Phan Thi San Ha me rappelle les sujets de recherches qui sont lancés dès 2013 au CARE. Ils s’organisent en 3 axes :

 

1- L’axe « Eau & Environnement » : on y étudie les transferts des sédiments, mais également des contaminants et micro-plastiques (métaux, sels, perturbateurs endocriniens et plastiques à l’échelle microscopique)

2- L’axe « Eau & Santé » : cet axe se consacre à la qualité de l’eau, et les impacts sur la santé que certains composants peuvent avoir, comme l’arsenic, les antibiotiques, les biofilms, les kits hospitaliers. Un groupe de travail se penche aussi sur le traitement d’eau.

3- L’axe « Risques hydrologiques » : les risques hydrologiques et la vulnérabilité des berges et côtes sont au centre de cet axe de recherche. On y étudie l’érosion côtière et les inondations en particulier.

 

Et pour étudier tout cela, l'emplacement de Hô Chi Minh City est parfait. Les enjeux concernant la Saigon river et le delta du Mékong, juste à côté, permettent d’appréhender l’intégralité des thèmes de recherche.

Un centre de recherche...

Nicolas Gratiot, chargé de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), et directeur de la recherche au sein du CARE, coordonne d'une main habile les nombreux sujets de recherches : Il lui faut jongler avec des chercheurs de nationalités diverses pour permettre d'obtenir des résultats rapidement, non redondants et cohérents entre eux. Parmi eux, ils sont trois chercheurs de l’IRD français expatriés. L’IRD, souvenez-vous, nous en avions parlé lors de notre passage en Bolivie suite à la rencontre avec Céline Duwig. (cf article Bolivie). L’appui de cet institut est un avantage formidable pour le fonctionnement du centre.

 

Les sujets de recherche ont été lancés il y a deux ans et demi, il est trop tôt encore pour publier quelques conclusions scientifiques aussi rigoureuses  soient-elles, mais les observations sont déjà là sur le terrain. Le delta du Mékong se salinise, s’érode, s’avère de plus en plus pollué. L'ensemble des recherches du CARE sur le Mékong a pour but d'expliquer ces phénomènes, d'en désigner les causes.

 

Et d'ailleurs, au moment où nous sommes arrivés à HCMC, les chercheurs du CARE, une équipe de chercheurs allemands et une autre française venaient de mener une campagne de mesures commune sur le delta du Mékong la semaine précédente, et nous avons pu assister à leur réunion de conclusions sur cette campagne. Pendant plusieurs jours, chaque équipe a réalisé des mesures spécifiques (analyse de l'eau, des sédiments, …). En plus d'utiliser directement les données collectées, le CARE envisage de corréler celles-ci avec les images satellites qui seront traitées par une des équipes présentes. Et oui, le futur, c'est de pouvoir observer tous les phénomènes qui se déroulent sur le vaste delta du Mékong grâce à une observation satellite de l’étendue de celui-ci !

 

L’exclusivité de 2 gouttes d'eau, c'est aussi d'avoir pu observer et participer aux dernières collectes de données sur des échantillons prélevées par Nicolas Gratiot. Nous avons même pu goûter à la salinité de l’eau dans le delta !... (Petit retour aux TP au milieu de notre voyage !) Notre exercice a été d’utiliser un appareil de pointe pour avoir la distribution des Matières En Suspensions (MES) des échantillons. Nicolas Gratiot va pouvoir analyser ses lots de donner pour en tirer des conclusions.  

Bien que ces sujets de recherche soient indispensables, l’observation de la salinité du delta du Mékong et son érosion est déjà flagrante. Et l'origine de nombreux de ces problèmes est déjà bien identifiée : barrages, surexploitation de la ressource, pollution… Le Mékong qui arrive aujourd’hui au Vietnam est exploité de manière importante en amont par la Chine, le Laos, la Birmanie, la Thaïlande et le Cambodge. (Cf l’article Mékong)

 

Le comité du Mékong, qui rassemble tous ces pays exceptés la Chine et la Birmanie, a pour but de créer une collaboration internationale sur la gestion du fleuve. Malheureusement, ce comité peine à atteindre ses objectifs à l’heure où les pays émergents privilégient leur développement à l’utilisation raisonnée du Mékong. Chaque pays multiplie ses constructions de barrages sur le Mékong et ses affluents. C’est aujourd’hui un problème géopolitique dont le Vietnam est une des victimes.

 

Le temps presse d’après Phan Thi San Ha ! Le Vietnam a besoin de prouver scientifiquement les causes exactes de ces problèmes dans le delta du Mékong. Les conséquences font mourir petit à petit les villes et villages du delta : les rizières sont souillées par le sel, de même que les usines d’eau potable, l’érosion entame les terres de façon inquiétante. Le CARE représente pour le Vietnam l’opportunité de mettre en évidence les causes de leurs problèmes, entre autre par la publication dans des journaux scientifiques à reconnaissance internationale. En effet, reconnaît Phan Thi San Ha, un pays comme la Chine sera plus sensible à des publications scientifiques françaises qu’à des publications Vietnamiennes. La collaboration ‘’Nord – Sud’’ rend plus légitime l’exposé des pays du Sud sur leur recherche face à la communauté internationale.

Le Care, en plus d’être un lieu recherche de pointe dans de nombreux domaines autour de l’eau, représente donc une collaboration ‘’Nord – Sud’’ fructueuse qui apporte une chance au Vietnam d’être entendu au niveau international au sujet de ses problèmes avec le Mékong.

Nous remercions encore Nicolas Gratiot, Phan Thi San Ha et leur équipe de nous avoir ouvert les portes du CARE, et d’avoir pris le temps, malgré leur emploi du temps chargé, de partager avec nous leur quotidien.

 

Rédaction : Léo Breuilly

Relecture : Quentin Défossé, Isabelle Oudinot

Carte du RESCIF

Façade du CARE à HCMC, LB

TP improvisé de 2 gouttes d’eau, encadré par N. Gratiot, LB

Pêcheur dans le delta du Mékong, LB

Qui sommes nous ?

2 Gouttes d'eau est une association d'élèves ingénieurs de l'Ense3 - Grenoble, qui monte des projets autours des thématiques liées à l'eau.

Que faisons nous ?

L'association monte de nombreux projets, grâce à son pôle international d'une part, et son pôle local d'autre part.

 

Nos articles

Découvrez ici les articles écrits par les membres de l'association. Vous y apprendrez beaucoup sur l'eau à travers le monde !

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