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LA centrale de l’Asie du Sud Est:

Nam Theun 2

Petit pays d’Asie du Sud Est, encerclé par la Chine, le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande, et le Myanmar, le Laos connait une relation intime avec l’eau.

Carte du Laos

Lors de notre passage, nous découvrons avec surprise le nouvel an Lao (Bun Pi Mai Lao) qui coïncide avec le début de la saison des pluies. En effet, seules deux saisons se succèdent au Laos : la saison sèche et la saison des pluies. Nous subissons donc les chaleurs de la fin de saison sèche, les températures avoisinant parfois les 40°C. De quoi éprouver sérieusement les 2 Gouttes d’Eau que nous sommes ! Mais le Pi Mai Lao nous permet de passer ce cap. Lors de cette fête, qui dure 3 jours, voire plus dans les campagnes, les gens passent leur temps …à s’arroser ! Nous serons même invités à rejoindre une véritable fête se trouvant au beau milieu d’une rivière !

Fête du Pi Mai Lao à proximité de Thakhek, LB

Mais l’eau ne limite pas son rôle au folklore ou au climat. Elle a aussi un rôle fondamental pour l’économie du pays et pour le développement. Le Laos est parsemé de rivières et il mise sur son potentiel hydraulique pour devenir la centrale hydroélectrique de l’Asie du Sud Est. Rien que ça ! Dans le Nord du pays, de nombreux barrages sont en construction, largement financés et réalisés par les voisins chinois. Mais les habitants du pays du milieu ne sont pas les premiers étrangers à s’intéresser à ce potentiel incroyable. Déjà en 1927, durant la période du protectorat français, des ingénieurs de l’hexagone l’avaient remarqué… Mais il faudra attendre 2010 pour produire les premiers kilowattheures. Découvrons ensembles ce grand projet : le barrage de Nam Theun 2.

C’est au centre du Laos, proche de la ville de Thakhek, que nous allons à la rencontre de Serge TOTEL, Deputy Operation Manager, expatrié français travaillant depuis plusieurs années sur le site. Son accueil chaleureux nous permet de comprendre l’histoire mais aussi le rôle actuel de ce barrage au sein du Laos.

Un projet historique

 

Le projet Nam Theun 2 a été lancé dans les années 1990. Il a pour objectif l’exploitation du potentiel de la rivière Nam Theun en produisant de l’électricité revendue en grande partie à la Thaïlande. C’est la Nam Theun 2 Power Company (NTPC) qui gère ce projet. Elle est détenue à 40% par EDF, 35% par Electricity Generating Public Company Limited (producteur Thaïlandais) et à 25% par le gouvernement du Laos. A la fin des années 90, les études de faisabilité étaient achevées et elles ont entrainé de grands remaniements au sein du projet : des études sur la  planification sociale et environnementale étaient nécessaire pour pallier les impacts du barrage sur les riverains, la faune et la flore. D’ailleurs, nous rappelons que la Banque Mondiale, grand soutien du projet, impose certaines exigences quant au financement des barrages.

Après 20 années de planification et de construction, la production a débuté en 2010. Au terme de 25 années d’exploitation, le Laos détiendra intégralement la NTPC. Le projet a été estimé à un peu plus d’un milliard de dollars et sa production actuelle a permis de le rentabiliser en quelques années Déjà une grande partie du personnel est laotien et le personnel français diminue d’année en année pour laisser progressivement les rênes au pays hôte du projet.

 

La plus grosse production électrique d’Asie du Sud Est

 

Le barrage de Nam Theun 2 est situé sur la rivière Nam Theun, un affluent du Mékong, dans la province de Khammouane. Ce lieu est particulièrement favorable à l’exploitation hydroélectrique. La configuration géologique du plateau de Nakai permet de créer un réservoir de 3,5 milliards de m 3 avec une chute d’eau de 350 m entre le lac et la centrale de production électrique, tout cela à l’aide d’un barrage de taille relativement modeste.

Les 2 Gouttes d’eau au centre de visite de Nam Theun 2, LB ->

<- Quentin et Léo accompagnés par Serge TOTEL, L.B.

Maquette du plateau de Nakai. On y voit la centrale de production électrique en premier plan, puis la réserve d’eau et, en arrière-plan, M. TOTEL pointe l’emplacement du barrage. LB

Au niveau technique, c’est une véritable prouesse qui a été réalisée. Une galerie puis une conduite sous pression de 3 km traverse la montagne pour alimenter la  centrale. Et après celle-ci, que devient l’eau ? Un bassin de régulation de 8 millions de m 3, un autre petit barrage et un canal de 27 km permettent d’oxygéner et d’acheminer l’eau jusqu’à la rivière Xe bang Fai. Ce second barrage permet de lisser la restitution en eau de l’usine au canal, qui est marqué de pics (forte production) et de creux (faible production) au cours d’une journée. La centrale, elle, a une puissance installée de 1070 MW. Par comparaison, en France, une centrale thermique a une puissance comprise entre 120 et 700 MW tandis qu’un réacteur de centrale nucléaire a une puissance installée allant de 900 MW à 1600 MW selon la génération. Cette puissance est fournie par 4 turbines Francis, produisant 995 MW destinés à la Thaïlande, et 2 turbines Pelton, produisant 75 MW pour le Laos.

M. TOTEL nous fera même visiter la centrale afin que nous nous rendions compte de l’envergure des installations.

Dans la centrale, la dimension des turbines est impressionnante. L.B.                 Vanne d’arrivée d’eau dans les turbines. LB

Les aspects sociaux et environnementaux, composantes indissociables du projet.

 

Comme nous le disions, tout projet d’une envergure comme celui du barrage de Nam Theun 2 comprend des impacts sociaux et environnementaux. Dans le cadre de ce projet, la formation d’une retenue d’eau sur le plateau Nakai a eu des conséquences sociales et environnementales importantes. Cependant, de nombreux efforts ont été réalisés afin d’éliminer, réduire ou compenser ces aspects. Petit focus sur ces aspects :

En 2002, afin d’obtenir le soutien de la Banque Mondiale, le projet devait correspondre aux objectifs de celle-ci, c’est-à-dire contribuer au développement du pays, à la diminution de la pauvreté et prendre en considération les enjeux environnementaux. Ces contributions étaient nécessaires en outre sur tous les plans (techniques, financiers, humains) et à toutes les étapes du projet.

De nombreuses ONG se sont opposés au projet Nam Theun 2 en soutenant qu’il était incapable de suivre ces directives, les défauts de celui-ci ne pouvant être contrebalancés par ses avantages. Les problèmes les plus souvent pointés du doigt concernaient d’une part les enjeux sociaux. Notamment le déplacement de la population du plateau Nakai et l’impact sur les villages en aval du barrage. D’autre part étaient visés les enjeux environnementaux, avec la création d’une retenue d’eau recouvrant la végétation et une zone d’habitat de nombreuses espèces, dont l’éléphant sauvage par exemple. De plus la faune et flore aquatiques des rivières se voyaient grandement impactées par cette retenue d’eau et par le barrage. On parle de discontinuité écologique pour représenter ce phénomène, où un ouvrage vient perturber l’écoulement naturel d’un cours d’eau et donc sa faune et sa flore.

Décomposition des forêts étant sous l’eau une partie de l’année, réservoir Nam Theun 2, LB

Ces nombreuses inquiétudes s’appuyaient sur le mauvais exemple des anciens projets de barrages réalisés au Laos. Les promoteurs du projet ont alors décidé de répondre aux objectifs exigés, mais pas seulement. Ils vont même plus loin en réalisant un projet exemplaire concernant les enjeux socio-économiques qui servirait de modèle pour les prochains barrages envisagés au Laos et ailleurs ! Cette volonté peut sembler ambitieuse mais beaucoup de moyens sont mis en place pour y répondre, ce qui permettra d’achever le projet tel qu’on le connait aujourd’hui.

Ainsi, le budget alloué aux impacts sociaux et économiques est très élevé et une transparence des études est réalisée par la NTPC et ses partenaires.

Concernant les impacts sociaux, un canal a été créé en aval pour maîtriser l’érosion des sols et la sédimentation. Des programmes spéciaux à long terme ont été mis en place concernant les familles déplacées. De nouveaux villages ont été construits, dans lesquels les maisons ont l’électricité et un accès proche à l’eau courante de qualité. De plus, ces villages comportent des écoles, avec les fournitures scolaires, ainsi que des logements pour les professeurs, des cliniques de santé et d’autres bâtiments communs. Un accompagnement professionnel a également été réalisé pour faciliter les changements liés au projet. Les Laotiens étaient habitués à vivre en suivant les variations de la rivière (pêche en eau vive, agriculture saisonnière). Un programme spécial leur a permis une reconversion vers la pêche dans le lac (avec des bateaux mis à disposition) et à une agriculture mieux adaptée. Enfin, un suivi régulier des impacts du projet et de satisfaction des Laotiens permet de mettre en œuvre tout ce qui est nécessaire au développement de ces villages.

Les impacts environnementaux ne sont pas non plus en reste. Un laboratoire situé sur le site est dédié aux études et aux programmes concernant l’évolution de la qualité de l’eau,  de la faune et de la flore aquatique. On peut trouver les comptes rendus de ces activités sur le site même de la NTPC (http://www.namtheun2.com/index.php/environment-main/scientific). M. TOTEL nous explique par exemple que parmi les professionnels s’occupant de l’aspect environnemental du projet, une personne est exclusivement assignée au suivi et à la protection des éléphants.

De manière générale, le projet Nam Theun 2 a réellement investi la population lao, car plus de 90 % des employés sont nationaux. Un centre de formation aux métiers de l’eau a été créé à Vientiane pour continuer à développer les activités liées au secteur de l’eau au Laos (cf. lien en fin d’article).

En premier plan le canal aval qui suit le bassin de régulation. L.B.

Une source d’inspiration pour les grands projets

 

Le projet du Nam Theun 2 est donc le projet le plus important que l’association 2 gouttes d’eau ait eu la chance de découvrir à ce jour. Et une fois de plus, bien que Nam Theun 2 soit une centrale électrique impressionnante, c’est bien le côté socio-économique qui nous a le plus marqué. Un projet d’une telle envergure peut en effet avoir des conséquences désastreuses sur son environnement (écologique et humain) ; il est nécessaire de prévenir ces problèmes par le biais de solutions diverses mais adaptées, et ce depuis la conception du projet jusqu’à son exploitation. C’est cette initiative qu’a suivi la NTPC, initiative difficile car elle nécessite de mettre en place des programmes originaux et innovateurs. Enfin, on comprend que la recherche continuelle pour améliorer ces projets et en monter d’autres fait partie intégrante d’une exploitation raisonnée de la centrale hydroélectrique. C’est de cette façon que l’ensemble des personnes touchées (villageois, consommateurs, exploitants…) en sortira bénéficiaire !

Léo accompagné du technicien de garde pendant le Pi Mai Lao en saison sèche. Q.D.

Qui sommes nous ?

2 Gouttes d'eau est une association d'élèves ingénieurs de l'Ense3 - Grenoble, qui monte des projets autours des thématiques liées à l'eau.

Que faisons nous ?

L'association monte de nombreux projets, grâce à son pôle international d'une part, et son pôle local d'autre part.

 

Nos articles

Découvrez ici les articles écrits par les membres de l'association. Vous y apprendrez beaucoup sur l'eau à travers le monde !

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