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De l'eau potable aux robinets de Phnom Penh

Nous quittons la belle région d’Angkor pour nous retrouver de nouveau dans une jungle urbaine, Phnom Penh. Cette capitale, en pleine expansion, accueille près de 1,5 millions d’habitants aujourd’hui, soit 10 % de la population Cambodgienne. Et l’exode rural profite essentiellement à Phnom Penh, qui s’agrandit à vue d’œil ! La population de la ville a doublé sur ces 20 dernières années.

 

Nous arrivons donc dans cette grande ville où tout est en construction : des grands hôtels dans le centre-ville, des centres commerciaux plus en périphérie, et tout autour des maisons, des magasins, des restaurants à n’en plus finir. Nous chercherons un instant les transports en commun de la ville : des bus quelques part ? Seulement trois lignes de bus existent à Phnom Penh, et nous les cherchons encore… Ici, si on n’a pas de mobylette, on prend le Tuk Tuk !

 

Nous commençons à nous demander ‘’A la vue de la gestion des transports ici, comment doit-être le réseau d’eau ?!’’

 

Au fil de nos rencontres dans cette folle capitale, nous nous retrouvons invités à l’une des soirées de jeunes expatriés, tous travaillant dans des ONG, des missions humanitaires pour l’éducation, la santé, l’énergie….  Une française « expat’ » nous lance ‘’avez-vous entendu parler de l’AFD ? Je sais qu’ils font des trucs de fou à Phnom Penh dans l’eau, si vous voulez je connais quelqu’un là-bas’’.  Et voilà, nous avons rendez-vous avec Borin PIN, chargé de projets à l’Agence Française de Développement, qui travaille entre autres sur le projet de favorisation à l’accès en eau potable à Phnom Penh.

                   Locaux de l'AFD à Phnom Penh, dans les bâtiment de la Banque d'Indochine, L.B.

 

Nous retrouvons alors M. Pin dans les locaux de l’AFD. (Heureusement pour nous), il commencera par nous rappeler ce qu’est exactement l’AFD, et ce qu’elle fait exactement. L’Agence Française pour le Développement est un établissement public français qui agit depuis plus de soixante-dix ans pour lutter contre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays dits du Sud et les régions Outre-mer. Elle agit au moyen de subventions, de prêts à taux préférentiels pour financer des projets des partenaires du Sud dans leur développement. Ils accompagnent également chaque projet avec un suivi administratif, financier et technique pour qu’ils aillent jusqu’au bout sans difficultés.

 

Notre jeune et dynamique interlocuteur prend avec plaisir l’exemple de l’accès à l’eau potable de Phnom Penh. « Ce projet est un succès ! L’eau distribuée dans la ville est garantie potable. Si le taux de couverture du service de l’eau est proche de 100% dans les districts centraux, il s’établit à moins de 70% dans les districts périphériques et ne vont pas tarder à être raccordés. »

 

Non, nous étions loin d’imaginer cela. Je crois même que, dans tous les pays en voie de développement que nous avons traversés, c’est la première fois que l’on rencontre quelqu’un qui nous encourage à boire de l’eau du robinet dans sa ville ! Nous voulons donc en apprendre plus !

 

Depuis 2003, l’AFD a successivement accordé des subventions puis des prêts à l’entreprise en charge de la production et de la distribution en eau dans la région de Phnom Penh, PPWSA (Phnom Penh Water Supply Authority). A chaque fois ciblées, les aides financières vont, petit à petit, permettre l’augmentation de la capacité de traitement d’eau potable, l’extension de son réseau, et même la construction de nouvelles usines de traitement. D’ici la fin de l’année, la régie sera capable de produire et distribuer jusqu’à 560 000 m3/jour. Cela fait 350 litres d’eau potable par habitant. Le tout à un prix défiant toute concurrence car il est inférieur à un dollar/m3.

               Ek Sonn Chan, photo extrait de The Phom Penh Post, "PPWSA sets an IPO date"

 

Mais ce bon fonctionnement est également et surtout le résultat de la volonté d’un homme d’envergure : Ek Sonn Chan. C’est une « success story », nous raconte M. Pin. Ek Sonn Chan fut directeur de PPWSA de 1993 à 2012. En quelques années, il aura réussi à chasser la corruption et la bureaucratie improductive d’un côté mais aussi à mettre dans l’idée des gens, non sans difficultés, que l’eau est un bien qui coûte à produire, donc qu’il faut payer ! Il sera même menacé à l’époque par des hauts officiers à qui il a coupé l’eau, faute d’être payée. Pour avoir su rendre à Phnom Penh une régie des eaux digne d’un pays développé européen en quelques années, Ek Sonn Chan recevra de nombreuses distinctions internationales (Banque Mondiale en 2004, Prix Ramon Magsaysay (le prix Nobel asiatique) en 2006 ou encore le grand prix de l’eau de Stockholm en 2010).

 

Aujourd’hui, le pourcentage de fuites du réseau d’eau à Phnom Penh est de l’ordre de 6 % sur le réseau. En France, à titre de comparaison, dans les vieilles villes comme Lyon ou Nice, ce taux dépasse les 15 %... Et le système fonctionne du côté distribution également : 98 % des Cambodgiens payent leurs factures, même si le système de compteur d’eau est relativement récent ici aussi. ‘’Il faut imaginer qu'au début des années 90, le Cambodge sort d'une période très dure de guerre, et son développement est égal  à 0. ‘’ Malgré cela, en 20 ans, le cours des choses a été complètement inversé. PPWSA stabilise de plus en plus ses revenus, toujours en développant son réseau et ses capacités.

 

Un bel exemple à raconter partout : apporter l'eau potable à une ville de 1,5 M d'habitants en un temps record, c'est possible ! Et ce qui est le plus encourageant, c'est que le travail a été réalisé par les  Cambodgiens. Le rôle de l'AFD n'est pas de donner les idées, seulement d’accompagner la stratégie des autorités locales qui leur semble pertinente. Ce travail sur l'eau potable à Phnom Penh vient des Cambodgiens, insiste M. Pin. Maintenant, il faut qu'ils réalisent que le traitement des eaux usées est aussi une nécessité, car pour le moment, elle est inexistante. Ce n’est certainement pas l’AFD qui va imposer le projet, mais M. Pin est confiant : le jour où les eaux usées seront dans les discussions des autorités cambodgiennes, alors là, cela va bouger !

                   Vendeur de boissons dans les rues de Phnom Penh, L. B.

 

Sur le chemin du retour vers notre logement, nous portons une   attention spéciale aux comportements des Cambodgiens quant à leur consommation en eau. Nous serons légèrement déçus de voir que les marchands d'eau en bidons et en bouteilles n'ont effectivement pas disparus du paysage. Nous observons encore quelques réservoirs d'eau sur les toits, vestiges des temps où l'eau n’était pas distribuée de façon permanente. En réalité, du temps est nécessaire pour que les Cambodgiens prennent conscience que maintenant, l'eau arrivera à leurs robinets potable et sans coupures. Il faut du temps pour que les habitudes de consommation changent. Avouons tout de même, le décalage avec les milieux ruraux est énorme !

 

A l’avenir, l’AFD s’apprête à aider l’installation d’une usine de traitement et le développement de réseaux d’eau à Siem Reap et dans plusieurs autres villes provinciales. Voir une affaire qui fonctionne bien, cela fait du bien de temps en temps !

 

 

De Léo Breuilly

Relecture : Quentin Défossé, Isabelle Oudinot

Le 14/03/2016

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