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ISA-BOLIVIA : L'autonomie des communautés indigènes

 

 

Nous avons des liens forts avec le MOOC Des rivières et des hommes, vous avez dû vous en rendre compte. Dans le cadre d’une action commune, nous allons rencontrer durant notre voyage les apprenants ou experts du MOOC afin de réaliser des portraits. Ces portraits sont une façon d’en apprendre un peu plus sur les gens qui « font » le MOOC, dans tous les sens du terme. C’est dans le cadre de cette initiative que nous avons eu l’occasion de rencontrer Alexandre COTTIN, dont vous pouvez déjà lire le portrait ICI. Son projet nous a beaucoup plu, et nous allons donc aller un peu plus loin aujourd’hui.

 

Tout a commencé au Paraguay lorsque l’on a reçu un mail d’un apprenant (Alexandre) nous présentant le projet BIOCULTURA auquel il participe en Bolivie. C’est un projet d’appui aux communautés indigènes dans la gestion de leur territoire. Qu’est-ce que ça veut dire ?

 

Pour avoir toutes les réponses à nos questions, nous débarquons à Cochabamba, dans les locaux de l’ONG ISA Bolivia. L’accueil est chaleureux et les membres sont tous très sympathiques. L’ONG propose même de nous loger le temps que nous réalisions notre article.

 

 

 

        Les 2 gouttes d’eau avec une partie de l’équipe ISA-Bolivia.

 

Dès notre arrivée, nous avons voulu en savoir plus. Qu’est-ce que le projet BIOCULTURA et ces communautés indigènes ? C’est avec passion que l’on répondra à nos questions.

 

Le statut de communauté indigène est un statut récent en Bolivie qui permet à un groupement de villages de gérer de façon autonome son territoire. Et cela sur tous les plans : économiques, sociaux, éducatifs, environnementaux. L’organisation communautaire en Bolivie est déjà très puissante. Leur fonctionnement suit le schéma suivant :

 

Des groupements de villages sont représentés par un conseil appelé subcentral, et l’ensemble des subcentrales est lui-même représenté par une centrale. Selon leur importance au sein de la communauté indigène, les décisions suivent donc cette hiérarchie.

 

Bon et l’eau dans tout ça ? On y arrive.

 

Les Andes sont toutes touchées par le changement climatique. Plus on va vers le Sud, plus ces changements sont importants et ont des effets négatifs sur les cultures.

La Bolivie est actuellement touchée de façon dramatique par ces changements, et ils sont perceptibles à l’échelle humaine (10 ans). Les pluies sont moins importantes au niveau annuel, la saison des pluies ne se limite plus qu’à quelques mois tandis que la saison sèche est plus chaude. Cela implique moins d’eau mais également une plus faible capacité du sol à retenir l’eau des pluies à cause de l’évaporation et des sols nus sujets à l’érosion.

 

Tous ces problèmes émergents ont rendu nécessaire la création d’une « culture » de l’eau, qui n’existait pas dans la société bolivienne auparavant. Pour une bonne gestion de cette ressource qui devient sensible, il n’existe aujourd’hui aucun organisme effectif. C’est donc un des objectifs de l’association : Aider les communautés indigènes à intégrer cette problématique dans leur institution. Cela ne représente ni plus ni moins qu’un défi culturel mais également un défi historique énorme !

 

Pour cela, la solution n’est pas simple. Imposer une équipe pour gérer l’eau au niveau du territoire (on parle ici d’échelle du bassin versant) n’est pas une solution. Il faut voir plus large avec une gestion générale. Cette gestion générale englobe les aspects environnementaux certes mais les lie intimement aux aspects sociaux et économiques. C’est le seul moyen d’avoir un projet de telle ampleur viable.

 

Le plan du projet BIOCULTURA, auquel participe ISA Bolivia avec son équipe où chacun a une spécialité (eau, aspects juridiques, éducatifs, économiques…), est composé des étapes suivantes :

 

  • Planification

La planification va permettre de présenter tout le plan aux communautés et de discuter avec elles pour trouver la meilleure solution. Cette solution doit combiner la technique scientifique aux savoirs locaux. C’est un point fondamental pour envisager des problèmes à long terme tout en conservant une identité culturelle riche et forte. Cette planification prend également en compte la réalisation de bilans généraux sur les territoires étudiés (quantification et qualification des ressources disponibles en eau, des couverts végétaux…).

 

  • Projets d’investissements

Les projets d’investissements sont des projets effectifs comme la réalisation de micro-irrigations ou la mise en place de réservoirs. Ces projets permettent d’avoir des résultats visibles et rapides, tout en impliquant la population locale dans leur réalisation. De cette façon, on répond à court terme aux problèmes hydriques tout en gagnant la confiance et l’engagement des populations locales.

 

  • Reforestation et Valorisation/Protection des forêts

Cette étape est importante pour favoriser la création de retenues d’eaux souterraines tout en enrichissant les sols. Les politiques récentes de mono-culture et de déforestation ont appauvri les sols. C’est pour compenser ces dommages (qui se cumulent à ceux du changement climatique) qu’il faut augmenter le couvert végétal par la reforestation. Mais l’action ne s’arrête pas là. Elle intègre des valorisations économiques et écologiques des forêts comme l’implantation de ruches et l’exploitation de leur miel. De cette façon, on multiplie les intérêts à protéger les espaces verts.

 

  • Mise en place de Normes

Il n’existe pas à proprement parler de normes concernant la gestion des eaux, forêts et déchets dans les communautés indigènes. Au terme des actions « concrètes », l’objectif est donc de poser des règles concernant une gestion responsable de ces ressources afin d’assurer le bon fonctionnement durable des politiques mises en place.

 

  • Formation de responsables

C’est LE point clé du projet. La formation de responsables techniques et politiques de la gestion des ressources du territoire est la phase la plus importante du projet car elle va permettre l’autogestion durable du territoire. Ces formations visent en effet une équipe de personnes locales qui pourront gérer de façon raisonnée (mêlant toujours la technique scientifique au savoir traditionnel) les territoires des communautés indigènes. Elles seront alors capables de transmettre ce savoir aux générations futures.

 

  • Education au niveau scolaire

Cette phase vient parachever le projet en éduquant dès le plus jeune âge les populations des communautés indigènes à la gestion autonome et durable de leur territoire. C’est à travers l’éducation que les mentalités pourront changer en profondeur pour intégrer cette responsabilité.

 

Comme on peut le voir, c’est un projet de longue haleine, qui intègre énormément de facteurs. Un point central pour l’achèvement de tel projet au sein de BIOCULTURA est de lier l’autogestion du territoire à l’autonomie économique. C’est pourquoi chaque partie est couplée d’un volet économique (la micro-irrigation va permettre la culture, la valorisation des forêts de nouveaux apports financiers, la formation d’une équipe va permettre la création d’emplois). Tout est lié, et il faut prendre en compte cette liaison pour que tout projet fonctionne. C’est à ce titre que l’on parle d’autogestion générale du territoire.

Finalement, nous avons réellement rêvé en écoutant ces personnes passionnées nous présenter le projet BIOCULTURA. Il propose en effet une planification intelligente et cohérente pour permettre aux communautés indigènes de se débrouiller seules.

 

Rien ne vaut un bon exemple pour comprendre comment tout cela se met en place. Dans la communauté indigène de Raqaypampa (située autour de Cochabamba), un projet s’est déjà concrétisé et sert désormais d’exemple au niveau national pour l’autogestion !

Ce projet consiste en la fabrication et la vente de galettes. On s’éloigne de la partie eau mais il est important pour tout ingénieur de comprendre l’impact d’un projet dans sa globalité pour ensuite s’atteler correctement à sa composante « gestion de la ressource en eau ».

Le constat de départ est le suivant :

Les paysans de la communauté indigène de Raqaypampa produisent du blé et le vendent au marché d’Aquile à des prix plutôt bas.

 

La production des paysans de Raqaypampa

Réunion de la sub-centrale Salvia

Brainstorming entre ISA Bolivia et d’autres acteurs du projet pour la planification

Malheureusement, cette étape est aujourd’hui difficile à réaliser. La création d’une OECOM (organisme économique géré par une communauté indigène) demande un véritable combat juridique et cet exemple est le seul cas ayant abouti. ISA Bolivia travaille actuellement pour changer cet état des choses au niveau institutionnel.

Comment donner de la valeur ajoutée à leur production, se sont-ils demandés. En faisant de la farine! Ils ont donc présenté leur projet au maire. Celui-ci leur a proposé de leur ouvrir un marché s’ils faisaient directement des galettes.

Le projet était lancé, il a donc fallu faire une étude de faisabilité. C’est à ce moment qu’interviennent les organismes tels qu’ISA Bolivia et les inventaires liés à l’eau par exemple. La finalité de l’étude est de savoir quelles machines utiliser, où, comment produire sans surexploiter les ressources, quelle production attendre. A ce stade, il est nécessaire que l’entreprise créée soit sous autorité de la communauté indigène. C’est important car cela permet à l’entreprise d’utiliser le bien commun (la production de blé) et de réinvestir ensuite les bénéfices au sein du territoire (en participant à d’autres projets, en développant la production).

Cercle vertueux de l'OECOM

L’étude étant réalisée, l’entreprise créée, il ne manque plus que les pâtissiers ! C’est grâce à la formation d’un pâtissier reconnu de Bolivie que les premières galettes ont pu être produites.

Les pâtissiers la main à la pâte !

Aujourd’hui, l’entreprise achète donc les matières premières aux populations de la communauté indigène (avec un prix d’achat supérieur à celui du reste du territoire, 200 Bs le sac de grain au lieu de 120 Bs !). Ensuite elle revend les galettes équitables (et biologiques) dans la région de Cochabamba et dans les écoles pour le goûter ! Et ça tourne bien, l’entreprise envisage d’acheter de nouvelles machines pour augmenter sa production !

Les galettes exposées à l’exposition industrielle de 2013, un véritable succès !

Même les journaux parlent de cette réussite :

http://www.lostiempos.com/observador-economico/pequenas-y-medianas-empresas/pequenas-y-medianas-empresas/20140819/raqaypampa-rompe-esquemas-con-galletitas-t'ikita_270642_594132.html

 

Par soucis de professionnalisme, nous avons voulu goûter les galettes.

Les fameuses galettes

 

Résultat ? Elles sont super bonnes !

 

Les bénéfices réalisés par l’OECOM sont alors la propriété de la communauté indigène qui peut les réinvestir dans d’autres projets comme la micro-irrigation, la mise en place de réservoirs, ou dans d’autres secteurs.

 

Bravo à toute l’équipe d’ISA Bolivia qui a travaillé sur le projet mais surtout à la communauté indigène qui a su réaliser une action commune permettant l’autogestion financière de leur communauté, ce qui leur permettra de réaliser d’autres projets !

 

Merci à Alexandre et toute l’équipe pour nous avoir accordé tout ce temps. Nous avons pu avoir une vision claire et complète d’un projet qui d’un côté nous fait rêver, d’un autre nous fait réfléchir. En effet, c’est un bel exemple pour comprendre comment intégrer nos problématiques d’eau et nos études dans un cadre plus global, ce qui est essentiel pour bien réaliser un projet.

 

Pour en savoir plus sur le projet BIOCULTURA :

 

Une vidéo (en espagnol) présentant le projet :

https://www.youtube.com/watch?v=9kSeH6AXPDQ

 

 

 

Le 04/11/2015

Rédigé par Quentin Défossé

Relecture par Léo Breuilly

Qui sommes nous ?

2 Gouttes d'eau est une association d'élèves ingénieurs de l'Ense3 - Grenoble, qui monte des projets autours des thématiques liées à l'eau.

Que faisons nous ?

L'association monte de nombreux projets, grâce à son pôle international d'une part, et son pôle local d'autre part.

 

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